__Le Général de paroisse:de Nozay de 1772 à 1789__

(site en ligne des AD 44: Délibérations municipales de  1772 à 1785 et Cahiers de  doléances)


Ces sources sont composées de trois registres  qui couvrent les  périodes suivantes :

a) 1772- septembre  1779 (78 pages)  _  b) octobre 1779-1780  (12 pages)  _  c)  1781-1785 (86 pages)

 

D'après ce qui est relaté en mai 1784 (contrôle  effectué par l’administration de l’intendant), le registre des années 1762-1771 est perdu. Celui ou ceux des années 1785-1790  sont manquants.

 

Ces registres contiennent les comptes-rendus des délibérations de l’assemblée de paroisse de Nozay.

Chaque compte–rendu  suit une trame à peu près identique :

 

Convocation de l’assemblée.

Présentation par les délégués des requêtes qu’ils ont reçues. Remise des pièces justificatives.

Examen et délibération du Général  à leur propos.

        Nomination aux fonctions de marguillier, syndics, égailleurs, collecteur, délibérants.

Signature des participants.

        Une copie des ordonnances de l’intendant peut être ajoutée au compte rendu établi par le commis au Général

 

Le procureur fiscal de Nozay Bouvais de la La Fleuriais précise que ces registres servent  à  enregistrer les actes capitulaires et autres affaires concernant la  paroisse Ils sont  théoriquement contrôlés par les services de l’intendant.  Le compte rendu doit être établi pendant ou en fin de séance car il est indiqué qu’il y a lecture puis signature des délibérants. Il se peut aussi qu’il soit  préparé avant la séance.

L’écriture  des registres est dans l’ensemble aisée. Quelques passages restent cependant difficiles à transcrire. On trouve d’autres extraits de compte-rendu du Général de paroisse dans les cahiers de doléance de1789, ainsi que dans divers archives comme celles  de l’aumônerie de Nozay (H 497).

 


L’assemblée de paroisse ou Général

 

A)  Pour la période de1772 à 1785, en tenant compte des signatures et des personnes qui interviennent, quinze à vingt personnes en moyenne  doivent assister à l’assemblée. La réunion  a lieu dans la sacristie et exceptionnellement à l’auditoire de la châtellenie de Nozay pour informer « la généralité des autres habitants convoqués à cette fin.»

 

B) La fréquence  des réunions est très variable de 2 au minimum à 8 au maximum sur la période étudiée. Toujours une en décembre (1 fois en novembre) pour les  changements de fonction. Généralement, elles sont déclenchées par les demandes de l’intendant en application d’arrêt, d’ordonnance à exécuter ou de requêtes à examiner. Une seule fois, la réunion est remise vu le manque de participants (22 février 1783) Le calendrier de ces réunions est de la responsabilité des marguilliers.

 

C) Cette assemblée s’appelle le Général de paroisse ou plus simplement le Général, «corps politique» de la paroisse; elle est théoriquement constituée de douze délibérants, deux marguilliers  et de membres de droit comme le recteur, le procureur fiscal ou le lieutenant du roi soit au total 17 personnes.

 

Pas de femme dans cette assemblée. Lors d’une séance exceptionnelle en juillet 1778, trois veuves sont mentionnées comme participantes  de l’assemblée. Une  autre apparaît dans les délibérations: (signature en 1778) à une convocation de l’ensemble des habitants «ayant bien dans la paroisse » à l’auditoire de la châtellenie. Tous les participants de ce Général sont reconnus comme «hommes notables » de la paroisse ce qui signifie qu’ils sont propriétaires de biens dans cette même paroisse.

 

Chaque année, en décembre, le Général  nomme les nouveaux délibérants ou notables pour la prochaine année ainsi que les marguilliers, les égailleurs, les collecteurs, les syndics. Si on ne tient pas compte des doublons, on compte 12 égailleurs, 3 collecteurs et 2 syndics. Soit une trentaine de personnes chaque année pour «gérer» l’administration de la paroisse.

 

Les  fonctions attribuées par le Général aux  habitants de la paroisse le sont  en général pour une durée d’un an comme marguillier  ou fabriqueur, syndic pour le logement des soldats, syndic pour la corvée des grands chemins, égailleur pour le vingtième, la capitation et les fouages, collecteur du vingtième, collecteur des fouages, délibérants députés. Des personnes sont nommées pour assurer la levée par tirage au sort de soldats provinciaux dans la paroisse Les noms varient souvent entre commissaires ou députés pour les corvées des grands chemins. On parle de syndic maire, personne qui a en plus à charge les paroisses dépendantes de Nozay qui n’ont  pas d’assemblée.

 

La fonction de celui qui établit les listes et répartit l’impôt, est mise en adjudication et attribuée au moins disant. Si personne n’enchérit conformément à ce que demande l’ordonnance de l’intendant, le précédent est souvent  reconduit dans sa fonction. Cette fonction l’oblige aussi à établir le compte-rendu de l’assemblée qu’il signe comme commis du Général.

 

L’administrateur de l’aumônerie est théoriquement élu pour trois ans.

 

L’absence injustifiée à une assemblée  est évoquée  en février 1783 et susceptible d’une amende

 

Les syndics et les marguilliers  sont nommés pour suivre les «dossiers» de la paroisse. Ils sont, responsables sur leurs deniers de ce qu’ils entreprennent. Ils avancent souvent  l’argent et sont remboursés ensuite par le Général.  Deux formules résument bien la situation : « à leurs frais, à leurs périls risques et fortunes selon les usages» ou «sans espoir d’aucun salaire». Le Général possède une personnalité juridique  et les syndics ou les marguilliers  le représentent dans les démarches qu’ils entreprennent après avis du Général et souvent consultation obligatoire de trois avocats pour apprécier le succès d’une poursuite en justice. Sans cela, le marguillier est responsable sur ses biens si le Général est condamné. Le cadre de ces fonctions de syndic ou marguillier se confirme être très contraignant.

 

Certains privilèges sont liés à ces fonctions : Dispense de casernement, de corvée de grand chemin, de tirage au sort pour la milice  tant que dure la fonction. Un pourcentage sur la collecte des impôts  est retourné à celui qui se charge d’établir les rôles  (procédure d’adjudication au rabais). Il a proposé à moindre frais la levée des impôts. On parle d’adjudication à cinq deniers par livre soit une rétribution d’un peu plus de 2% pour ce collecteur.

 

Le coffre aux archives contient les registres des délibérations, les pièces relatives aux affaires traitées et de l’argent. Il est rapporté une ordonnance de l’intendant exigeant qu’une personne dorme dans la sacristie entre novembre et avril pour dissuader les voleurs attirés par ce coffre. C’est à cette occasion que les deux fenêtres de la sacristie sont munies de volets, la porte de la sacristie d’un verrou et la porte d’entrée de l’église d’une serrure. Par un courrier de juin 1790 du maire au district de Blain, on apprend indirectement que le coffre  s’ouvre à l’aide de 3 clés: celle du recteur, celle du procureur fiscal et la dernière celle du marguillier.

 

Les nouveaux délibérants sont  avertis de leur nomination au prône de la messe du dimanche suivant. («Publication à prône de messe de l’acte capitulaire qui nomme le syndic»). Un vote à la pluralité des voix au cours de l’assemblée est évoqué lors du choix d’un syndic (5 janvier 1783). Est-ce obligatoire ou peut-on refuser cette fonction ? Dans le cas de la requête du sieur Urvoy (septembre 1782), le Général indique que ce dernier avait postulé à la fonction de syndic. On peut imaginer des discussions préalables à l’assemblée  avec celui qui  était pressenti à la fonction de délibérant, syndic ou marguillier Pour  le sieur Besnier qui doit succéder à Urvoy, cela se complique car il n’a pas envie d’être syndic Il a été choisi à l’unanimité par le Général, son nom publié au prône de la grande messe. Mais il n’est pas d’accord. Ce qui est commenté par le général en  janvier 1783 et illustre l’’ordonnance de l’intendant du 24 mars 1782 qui sanctionne les élus  ne respectant pas leurs obligations et qui par leur attitude font que « le service est mal fait». Il est dit à son propos que «les fonctions de son état ne se font pas perpétuellement en plein jour, celle qu’il se permet par delà les saignées, par exemple, comment ose-t-il en faire de jour et de nuit puisqu’il n’y voit pas. ». Le Général demande   même  à l’intendant d’envisager une interdiction d’exercer ses fonctions d’apothicaire et de chirurgien.  Sa seule façon de s’en sortir sera d’adresser une requête à l’Intendant (1785).

 

Le Général a du mal à trouver des remplaçants. Il rappelle que Dylais, marguillier en 1776  a  payé le greffier de Nozay 36 livres pour faire le travail à sa place et donc ne sera pas repris à cette fonction car « incapable de faire le service en son année de marguilliage… n’est pas plus en état de s’emploier aujourd’hui qu’il ne l’était alors». (Dilays est toujours cependant délibérant du Général en dépit de ce commentaire, sera, en 1789, un des  quatre hommes qui porteront le cahier de doléances à Nantes).L’aubergiste Fourier  a lui aussi été incapable d’assurer son service. Besnier est le seul susceptible d’assurer cette fonction. Autre difficulté: le remplacement d’un syndic ou d’un marguillier en cas de décès ou de «sortie du pays» ne se fait pas toujours aisément et certains des «élus» doivent certainement cumuler deux fonctions.

En prenant l’exemple des délibérants, sur la période 1772-1785, il est courant de retrouver en moyenne  la même personne sur une durée de 5 à 6 années, avec un minimum de 1 année et un maximum de 12 années.

 

 

Une contrainte forte sur les personnes susceptibles d’occuper les fonctions importantes du Général, fonctions où le titulaire est responsable sur ses biens, fonctions nécessitant du temps, fonctions où il faut savoir lire et écrire Le problème est que le nombre de personnes susceptibles de convenir doit être limité. Ceci  explique en partie le fait de  retrouver les mêmes personnes sur la période étudiée soit dans le corps des délibérants ou en fonction comme marguillier, syndic ou administrateur. Dans son livre Jean Bouteiller évalue sur treize ans à environ 160  les personnes qui ont participé au Général de paroisse à un titre quelconque. Si on se cantonne aux délibérants ou marguilliers moins de 80.

 

Le recteur, le procureur fiscal et le lieutenant général de la châtellenie de Nozay  ont leur place de droit dans cette assemblée. Pour la période  étudiée : Louis François Jacques Bouvais de la Fleuriais, procureur fiscal de la châtellenie de Nozay et avocat en parlement.  Hervouet jusqu’en 1781 puis  René Leparoux recteurs de la paroisse de Nozay. Ils ne signent pas obligatoirement tous les comptes-rendus. Une séance peut-elle se tenir en dehors de leur présence ? A certains moments, il est précisé que le procureur fiscal est présent à d’autres non. Sur l’ensemble de la période 1772-1785, le procureur est présent une fois sur deux  Parfois, on mentionne que le plus ancien des délibérants est président de séance. En 1774  Guérin de la Guillotière lieutenant de la châtellenie de Nozay, préside cette assemblée. En mars 1783, c’est le sénéchal Potiron de Coisnéron qui préside A la lecture de l’ensemble des délibérations, il ressort que ce Général respecte la légalité et suit à la lettre les demandes des autorités (intendant, états de Bretagne). Il agit comme il est rappelé dans le livre « Introduction au gouvernement des paroisses » en bon père de famille. Mais une fois et une seule, en 1774, Bouvais de la Fleuriais requiert du Général qu’il mette fin à la rumeur disant « qu’il conduisoit le Général à son gré.» Rumeur dénoncée par le Général qui confirme son indépendance dans ses décisions vis-à-vis du procureur. C’est le seul moment où il est fait référence à une contestation anonyme («des particuliers») des décisions du Général, contestation difficile à évaluer mais présente. Il n’est fait à aucun moment entre 1772 et 1785 références aux trois clés nécessaires à l’ouverture du coffre aux archives. Quand survient la mise en place en 1790 d’une nouvelle assemblée sur une base différente (élection censitaire), un clivage se matérialise autour de ces trois clés: le procureur fiscal a retardé la remise de la sienne aux nouvelles autorités qui suspectent une disparition des archives du coffre   La rédaction des comptes-rendus de séance est trop lisse pour apprécier ce point crucial. On note que deux des quatre personnes envoyées à Nantes sont Besnier et Dilais et que l’aubergiste Fournier est procureur de la municipalité  en1790. 1789 permet-il à ceux qui sont en désaccord de se manifester?

 

D) Compétences de l’assemblée

 

Les délibérations dans les trois registres  nous apprennent les différentes  compétences du Général.

 

Établir les rôles d’imposition des habitants de la paroisse, les mettre à jour  et percevoir le vingtième,  la capitation et les fouages qui sont pour les deux premiers des impôts abonnés et le troisième une répartition d’une somme assisse sur un nombre immuable de feux.. Celui qui établit les rôles pour  chaque impôt doit répartir la somme globale en fonction du nombre de personnes susceptibles de le payer, de ne pas taxer les exemptés, les privilégiés,  connaître le statut des terres et apprécier les «revenus»apparents, «le style de vie»  des contribuables  ou pour reprendre l’expression «en fonction de ses facultés» pour  le chiffrer. De plus ces trois impôts ne concernent pas les mêmes personnes et prennent comme base d’imposition le feu ou la tête. Les appréciations chiffrées  sur la population de la paroisse de Nozay se donnent toujours avec l’expression «ou environ». Le cadastre n’existe pas. L’assemblée doit connaître la situation apparente de chacun des foyers de la paroisse pour équilibrer les impositions et à  mettre à jour les rôles de façon régulière.

Le collecteur est de plus responsable sur ses propres deniers. Les égailleurs l’aident dans cette tâche. La paroisse est partagée en «zones» qui une seule fois sont appelées frairies: la ville, le bourg, les Grés, Boulatin, Coisbrac, Bois Vert, Grand  Perret, Gâtines, les Hayes. Ces divisions sont utilisées dans les rôles des vingtièmes (B 3778 année 1788) ou  ceux de capitation (B art 5831).

 

Trois exemples:

 

-17/06/1773: Jean Toussaint Heureux.  La corvée des grands chemins est proportionnée  au rôle fiscal. Si l’un est exempté, cela retombera sur un autre du fait de la contrainte  et  responsabilité collective. Sa requête est rejetée .Il ne peut prétendre à l’exemption que si de plus il exerce réellement le métier de maître de poste ce qui n’est pas son cas étant aussi un des plus gros fermiers de Nozay

 

-16/09/1773: Marie Cherel veuve Renaudet (serrurier). Le Général observe que l’âge indiquée dans la requête n’est pas le bon.au vue de «sa démarche, figure «Tout au plus 64 ou 65 ans. Elle cache son  extrait baptistaire. Elle touche une bonne rente et travaille de ses mains. Elle a les moyens de payer 50 sols de capitation et de faire faire la partie de chemin qui lui revient

 

-11/09/1779: Moulnier se plaint d’une imposition trop importante tant pour le rôle du vingtième que celui de la capitation On apprend ainsi qu’il jouit de 1600 livres de rente, paye 60 livres de vingtième et que sa taxe personnelle de capitation est de 30 livres. Pour le Général, ces impôts prennent bien en ligne de compte le train de vie éclatant du sieur Moulinier. Vu le système de répartition des impôts, ce que paierait en moins Mouliner serait payé en plus par un ou plusieurs autres contribuables Ses requêtes sont donc rejetées

 

L’étude des requêtes fait ressortir les caractéristiques de système de prélèvement fiscal et montre ainsi ses limites. . L’impôt est réparti en fonction des facultés apparentes du contribuable Les remarques du général sur les impositions des requérants sont à double tranchant. Le requérant n’a pas à se plaindre car il n’est pas taxé à sa vraie valeur mais alors qui paie la différence? D’autres contribuables? Le général doit connaître les revenus de chacun. Certains des arguments qu’il avance sont très subjectifs: l’apparence, le style de vie.  Ces personnes disposent-elles de revenus dans d’autres paroisses ou d’autres ressources. Cette façon de faire s’adapte à une paroisse où la situation économique et sociale des gens se perpétue de génération en génération et est connue de tous. Mais il est difficile d’appréhender par exemple les richesses d’une personne dès lors qu’elle sort de la paroisse, multiplie  ses activités économiques et  ses sources de revenu.  Est-ce trop dire que cette paroisse doit vivre plus sur elle-même ce qui expliquerait le faible nombre de  requêtes sur cette période et que la façon de  répartir l’impôt est globalement correcte?Quelques remarques sont faites sur les surcharges d’imposition des habitants de la paroisse mais elles ne prennent pas une place très importante. Elles se comprennent  comme la plainte de  contribuables de la paroisse qui sont tenus responsables solidairement face à l’impôt et qui voient certaines années leurs charges augmenter quand une suite d’événements provoque l’insolvabilité d’une partie d’entre eux. Ajoutons à cela les exemptés  ou privilégiés de toute sorte.

 

La corvée des grands chemins concerne principalement  l’entretien de la traversée du bourg de Nozay par la route Nantes-Rennes.  Les États de Bretagne sont le maître d’œuvre de cet aménagement qui réalise tous les travaux comme l'aplanissement, l'empierrement, la construction des accotements et des fossés, l'extraction de la pierre, le transport des matériaux par des corvées exécutées par les habitants de la paroisse  où passe la route (corvoyeurs) Ce travail est gratuit et obligatoire. La corvée est  proportionnelle à  l’imposition sur le rôle de la capitation (21 mai 1773). En 1778, sur demande des commissaires des États de Nantes, le Général donne son avis sur le choix des matériaux de la grande route passant par Nozay. Elle propose  des pierres du pays qui seront moins chers. Le syndic, qui est chirurgien, détaille dans son courrier les avantages des pierres de Nozay comparées à celles de Derval On peut imaginer  sur le long de la route Nantes-Rennes toutes les paroisses donnant leur avis sur les matériaux à utiliser. L’unité de réalisation n’est pas acquise En 1783, le syndic évoque la mort de corvoyeurs ou de leur sortie du pays (13/04/1783). Il précise que le rôle qui sert à répartir la corvée n’est plus à jour et que de nombreuses personnes ne sont point imposées De plus, le député qui travaillait avec lui  a quitté  la paroisse. Il faut en nommer un autre. Le Général nomme de nouveaux députés  et ne commente pas les dangers de la  corvée. La pérennité de l’entretien de cette portion de route n’est pas assurée: Qui s’en occupe ? Les riverains, le Prince de Condé qui percevait des péages sur cette partie, les États ? Les exemples donnés par le Général nous confirment que ceux qui doivent payer sont ceux qui utilisent ce chemin. L’établissement des deux abreuvoirs aux sorties Nord et Sud de la ville sera payée principalement par le maître de poste, les aubergistes et en moindre partie par les «habitans de la ville qui ont des bestiaux et en proportion du nombre d’iceux »(06/09/1778). Les dégâts commis par les cavaliers de la maréchaussée, les chevaux de la poste et ceux des aubergistes  sur les accotements à la sortie du grand chemin seront réglés par le maître poste, les aubergistes et les propriétaires de chevaux.(01/11/1781)

En 1789, le nombre de capités de la ville est plus du double de celui du bourg. Ceci confirme que cet axe de circulation favorisera le développement de la ville aux dépens du bourg. La vie économique s’y fixera  en prenant appui sur ce qui la vivifie comme par exemple, ce relais de poste.de Toussaint Heureux. Ce dernier apparaît comme l’un des membres de cette paroisse les plus riches (plus de 40 livres en 1788) mais ne figure dans aucune des assemblées du Général. Son fils sera maire de Nozay pendant la Révolution.

Dans ces conditions, on comprend qu’en 1789, l’article 3 des cahiers de doléance dénonce l’iniquité du système, réclame sa transformation en un impôt et demande que le fait même de la corvée soit supprimée par le Parlement de Bretagne, corvée abandonnée à travers le reste du royaume depuis1776. Ce système de corvée  révèle  les façons de faire des États de Bretagne  qui conçoivent la création et l’entretien des principales  routes que par un système d’exploitation d’une main d’œuvre gratuite.

Il faudra attendre le 19° siècle pour que la commune de Nozay  aménage son espace d’un ensemble de voies de circulations permettant de circuler du nord vers le sud mais aussi de l’est vers l’ouest.

 

Les marguilliers aident le syndic du logement des troupes à distribuer les billets de commandement aux paroisses n’ayant pas d’assemblée pour la réquisition des voitures et des chevaux. Les habitants de Nozay sont exempts de fournir des chevaux car ils logent les soldats.

L’outil principal de travail pour procéder à ces réquisitions  ou attributions est toujours la liste  établie sur le découpage en frairies de la paroisse, un outil  qui s’établit avec l’aide de personnes désignées d’office, outil qu’il faut toujours remettre à jour.  

Rôle1789:    Casernement fourrage:   288 livres

Rôle 1790:  Casernement fourrage:   338 livres

 

 

La levée de milicien (ou soldat provincial) de 1775 à 1785  

 

Sur les dix années repérées, 1 ou 2 soldats provinciaux tiré(s) au sort chaque année .Cela pose l’idée du service militaire due au royaume et comment les gens de la paroisse estimaient ce tirage au sort. Sans préjuger, cela ne semble pas trop lourd à supporter.et quand il sera critiqué en 1789, c’est plus sur les inégalités de tirage au sort que sur le principe. Une critique du cahier de doléances  est que «cela enlève le laboureur à son sol » et met l’accent sur le fait que ce sont les mêmes qui sont mis à contribution. La paroisse paye une somme de 60 livres pour l’entretien et l’habillement d’un milicien (rôles de1788 et1789).

 

Ces simples constats permettent de situer le rôle de cette assemblée comme un substitut à des administrations d’état (fiscale, économique, militaire) qui n’existent pas à ce niveau en Bretagne. L’intendant se sert de cette institution pour faire appliquer les ordonnances, rentrer les impôts, assurer le logement et approvisionnement des soldats.  Les États de Bretagne  se servent de la paroisse pour  l’aménagement et l’entretien de la partie de route qui la traverse. Ils limitent le plus possible les frais par le travail gratuit, ne se soucient pas des problèmes  que cela engendre vu par exemple les imperfections des bases choisis pour  sélectionner les corvoyeurs.

 

 

Église :

Les comptes-rendus des marguilliers sont très détaillés à propos des chantiers qu’ils ont suivis comme la peinture des autels, la remise en état des lambris, la protection contre les eaux pluviales ou le nouveau carrelage du sol de l’église. Une des cloches est rompue. Il faut la faire  fondre et en  mouler une autre. Ceci prendra près de deux ans pour être réalisé pour une somme de 431 livres (octobre 1779 à aout 1781) Cette nouvelle cloche sera baptisée Geneviève Anne Marie du prénom de la fille du procureur fiscal.

Cette église devait d’après tout cela être dans un«état moyen». La visite de l’évêque en 1675  signale le problème des pavés de l’église. En 1779, il est réglé une somme de 150 livres pour le carrelage de l’église qui reviendra à nouveau quelques années plus tard. Le marguillier est un élément important car il est en charge du suivi et respect du contrat par l’entrepreneur. En cas de problème (ici il est signalé que la sonorité de la cloche doit convenir), le marguillier est responsable. Il s’occupe aussi des baux à ferme passés par l’assemblée pour par exemple l’entretien de la lampe (pré de la lampe). On comprend mieux la demande  formulée par les marguilliers de quitus pour leur gestion auprès du général.  

 

Le recteur Leparoux d’après l’enquête de 1790 dispose d’un revenu de casuel évalué à 2000 livres. Il est capité à hauteur de 7 livres en 1789 mais auxquelles il faut ajouter 5 livres environ pour 1 valet et trois servantes qu’il emploie. Il reste à apprécier les autres revenus mais il n’est pas dans une situation de gêne. (Légat de Laurière 50 livres, légat de Lamée 6 livres, bénéfice des Havard 30 livres, légat de Jean Simon 60 livres, bénéfice de Caraude 40 livres On le voit requérir pour l’amélioration de la cure. C’est lui qui se plaint du pillage de son jardin par ses paroissiens qui se rendent à la messe. Il  réclame un mur de séparation et une porte pour régler ce problème. Il prend aussi des travaux à sa charge comme une cheminée dans le petit salon du presbytère mais veille à en demander l’autorisation au Général. Il est prêt à poursuivre les héritiers de son prédécesseur s’ils ne respectent pas leurs engagements. Toujours cette réaction de procédure judiciaire qui devait être une seconde nature à cette époque. Pour confirmer cet aspect, le Général demande aux marguilliers de consulter trois avocats pour savoir si le recteur a le droit de disposer les offrandes d’une façon autre que ses prédécesseurs (octobre 1783), précaution obligatoire si en cas d’échec de la procédure, le Général ne veut pas être tenu pour responsable sur ses biens.

 

L’aumônerie :

En complétant les comptes-rendus du Général avec le relevé de compte rédigé en 1790 (H 497), on cerne les responsabilités importantes de l’’administrateur des biens de l’aumônerie ou père des pauvres. Il traite au nom du Général  toutes les affaires qui se rapportent aux constitutions de rente dont il signe les .actes notariés, en général au denier 20 (5%). Il  peut poursuivre en justice les personnes défaillantes dans leur règlement de rente. La comptabilité établie en  1772 pour les trois années précédentes  indique des montants en charge et décharge de 3 000 livres et celle établie en 1790 pour les 8 années précédentes  des montants en charge et décharge de 8 000 livres. Cela rend difficile les comparaisons   La pratique de cette trésorerie génère pour  chaque opération une demande de confirmation du Général lors des assemblées comme les 590 reçus présentés par Dubourg au Général sur ces 8 ans d’administration pour justifier de sa distribution de 2737 livres aux pauvres de la paroisse. Il est précisé dans le rôle de capitation de 1789 qu’il y a 160 pauvres dans cette paroisse soit une moyenne théorique de 2 livres annuelles par pauvre.

Une autre difficulté est de savoir si toutes les opérations sont répertoriées dans ces documents et d’apprécier si les rentes sont scrupuleusement réglées. La liste des rentes constituées de 1790 laisse apparaître nombre de retards dans leur règlement (1,2 ou 3 ans de retard) Les copies de jugement dont on dispose laissent voir que l’administrateur poursuit les débiteurs De ce dont on dispose, une année semble poser  problème : 1785, année de sécheresse qui aurait mis les laboureurs dans l’impossibilité de régler leurs échéances?

 Les ressources viennent des dons sous forme de terres ou d’espèces, de rentes constituées, de fermages, de quêtes, etc. La technique de constitution de rente est utilisée ainsi que l’affermage des terres ou autres biens comme des maisons. Ceci correspond au budget temporel de la paroisse.

 

Il existe aussi un budget spirituel qui semble en comparaison plus modeste et entraîne (16 janvier 1785) une augmentation du prix des cérémonies et autres services (creuser les tombes, sonner les cloches, les locations de chaises).

 

École et «collège» :

Le rapport du recteur Leparoux  adressé à l’évêque en 1783(AD G 56)  nous apprend que les écoles de Nozay ont leur origine dans  la fondation du recteur Lemartre en 1709 d’un bénéfice au revenu annuel estimé à 400 livres et qui  comporte une obligation de service  «au quatre temps de l’année» à l’église de Nozay... Ce bénéfice   basée  sur une maison un jardin 3 prairies  Les élèves paient une rétribution.  Un régent s’occupe de l’’école de garçons et celle de filles  une maîtresse pour les filles. Mais le titulaire de ce bénéfice, Martin Joseph Chrétien, de l’avis du Général en 1773, ne respecte pas les conditions de son bénéfice. Il a sous-traité cette fonction de régent  à un laïc, Loyen, le greffier, qui lui même exerce un autre métier et ne peut se consacrer «aux exercices inséparables de la fonction de régent» Le Général demande que le suppléant soit un prêtre et qu’il se consacre à plein temps à ce rôle .La communauté exige son dû  et manifeste par là son souci d’instruction de ses enfants Ceci va être le point de départ d’un procès qui durera quelques années. Le Général ne mentionne pas dans ses délibérations le problème des 60 livres que  la maîtresse de l’école des filles n’a pas touchées en 1783 (rapport de Leparoux). Est-ce que le Général pense que cela n’est pas de son ressort mais de celui du titulaire du bénéfice?

 

En 1790, l’état dressé pour connaître les biens ecclésiastiques  indique que ce bénéfice des petites écoles est toujours à Chrétien (72 ans) Il est détaillé en 2 maisons, 1 cour et 1 écurie, 1 jardin, 1 prairie en Nozay et 1 pré en Marsac. Il est d’un revenu de 400 livres. Chrétien, âgé de 72 ans, paye 120 livres un clerc tonsuré pour faire l’école  à sa place. Il lui fournit une chambre haute.

 

 

E) Les requêtes des particuliers concernent principalement la fiscalité et la nomination au poste de syndic. Leur lecture permet d’approcher à la différence des sujets précédents  dont  la rédaction est neutre, ce que pouvaient penser  cette assemblée des problèmes  à résoudre. C’est de cette façon que l’on apprend comme on l’a déjà vu, que des rumeurs circulent sur la main mise du procureur fiscal sur le Général, que les paroissiens ne sont pas respectueux du jardin du recteur ou que des vols de sacristie  dans la province ont lieu. Les motifs invoqués pour refuser les requêtes sont parfois, pour nous, surprenants

 

A noter l’importance des rôles établis car ils conditionnent le nombre de soldats à loger  chez soi.

Il est noté que les paysans de cette paroisse peinent à cultiver leurs terres faute de moyen agricole adéquat, qu’une grande partie de l’espace de la commune est en bois, landes et marais (19 septembre 1773). Le cadastre de 1811 confirme cette idée de grands espaces incultes que l’on  essaie de défricher. Ces nouvelles terres sont exemptes de toute imposition. Une hiérarchie sociale et économique transparaît  dans la façon de décrire les requérants qui à l’exemple de ce Toussaint Heureux est crédité d’une fortune importante par ces ventes continues de blés, son statut de fermier de la seigneurie de la Touche et les revenus de métairies et à l’opposé de nombreux autres contribuables  qui vivotent.

 

C’est dans une de ses requêtes que l’on apprend que dans d’autres paroisses les choses se passent autrement (janvier 1783). A propos de la requête de Besnier, le Général répond «l’esprit de révolte ou de désobéissance d’une ou plusieurs paroisses réfractaires ne pervertira pas celle de Nozay, ferme dans ses principes et toujours ponctuelles à exécuter les ordres qui lui sont prescrits». Il précise que cette commune de Bain, proche de Rennes, est plus peuplée que Nozay et qu’on ne peut comparer les deux. Il réfute la demande de rétribution de Besnier au fait «lui qui n’a qu’un seul enfant, lui riche au-delà des espérances».et le suspecte de ne pas avoir rédigé seul sa requête qui  «n’est certainement pas son ouvrage». On sent que l’unanimité du Général n’est pas partagée par tous les habitants de la paroisse mais dans quelle proportion? Il y a de fait peu de requêtes donc peu de possibilité de lire des impressions qui échappent au rédacteur.

 

 

On retrouvera un bon nombre des délibérants comme signataires du cahier de doléances de la paroisse.

  Le président en 1789  n’est autre que le procureur fiscal de la châtellenie de Nozay qui introduit le registre de l’année 1779: Louis François Jacques Bouvais de la Fleuriais Il sera en 1790 administrateur du département sans précision sur cette fonction.

Les sujets de préoccupation du cahier  correspondent en partie aux registres. On y retrouve logement, milice, fiscalité. N’ayant pas ceux de 1785 à 1789, la question ne peut être résolue  ne sachant pas les sujets abordés pendant cette période. Ce que l’on peut en dire: les trois sujets principaux y sont formulés de façon revendicative alors que ce n’était pas le cas des registres. S’y sont ajoutés des sujets dont l’origine est à chercher dans le modèle qui a servi à la rédaction des cahiers.

Le délibéré du général de paroisse en date du 5 avril 1789 mandate  quatre délégués pour apporter le cahier de doléances à Nantes, en précisant qu’ils «ont promis de s’en acquitter fidèlement et à leurs frais, sans que cela en coûte au Général de cette paroisse.». Grâce au rôle de capitation de l’année 1790, il est possible de préciser la profession et le montant de la capitation de ces 4 délégués. Trois sont apothicaire, chapelier et maréchal, et sont capités entre 3 et 8 livres, Un seul est laboureur, capité à 10 livres, et exerce un 2° métier (marchand.). Ils habitent en ville  comme plus de la moitié des membres de l’assemblée qui ont signé le compte-rendu.

L’année 1789 est la dernière du général de paroisse qui sera remplacé l’année suivante par une municipalité élue Je n’ai pas retrouvé de documents sur cette période charnière de 1789-1790 à propos des premières élections municipales (1er trimestre 1790), de son organisation et déroulement. (204 citoyens actifs relevés en  mars 1790 (L 164))  Le maire sera Besnier et l’on trouvera comme adjoints Fournier et Dilays, les deux qui,  hasard ou non, avaient été au cours des années précédentes jugés incapables d’exercer une fonction «municipale».Bouvais  de la Fleuriais  n’est pas éligible au regard des décrets de novembre 1789 portant sur les élections municipales.  Il retarde la remise de sa clé du coffre aux archives. Ce changement de personne signifie-t-il une autre orientation  politique? Ces personnes sont choisies  de toute façon dans le même vivier (personne habitant en ville payant au moins 3 journées de travail pour les électeurs ou 10 journées de travail pour les élus) Les documents rédigés par ce premier maire montrent dans leur rédaction une similitude de composition, au vocabulaire près,  à ceux rédigés par le Général de paroisse et traduisent souvent l’inquiétude de cette nouvelle équipe pour assurer le fonctionnement de l’administration municipale dans le courant de l’année 1790.

 

En conclusion, le corps politique de la paroisse nomme les habitants qu’elle estime convenir pour assurer les fonctions ordonnées par l’intendant ou les États de Bretagne. Il y a selon le point de vue contrainte ou coopération. Utiliser les habitants de la paroisse a ses limites et ne permet pas toujours d’assurer la continuité du service demandé Le Général se soucie en  permanence que les décisions qu’il est amené à prendre soient légales, que l’établissement des rôles soit établi par plusieurs personnes et qu’ainsi les contestations soient limitées. Ce qui, suivant les documents que l’on possède est le cas.

Cette façon de faire correspond à son temps à une société villageoise modelée par les usages anciens et respectée par elle. Mais les mutations tant politiques, économiques, sociales ou culturelles de cette fin du XVIII° siècle en France ignorent ces usages  et Nozay n’est pas isolée du monde. Les événements du 15 et 16 février 1790  où les principaux  représentants de l’ordre seigneurial sont malmenés et voient leurs papiers brûlés en est une preuve à contrario. Des tensions existent mais il  est difficile de les mettre en scène  faute de documents.

 

 

J-Y Passalacqua, septembre 2020